mardi 6 août 2019

L'énergie de la jeunesse

Après 8 semaines de vie avec, par, dedans et en compagnie de Dolorès, mes muscles commencent à réclamer un peu plus de confort. Je ne suis plus capable de voir un magasin de matelas sans avoir envie de me précipiter à l'intérieur pour m'étendre sur l'un des nuages que l'on y expose. J'ai pourtant tout ce dont j'ai besoin et je suis relativement confortable sur mon matelas mousse de 4 pouces d'épaisseur. De quoi je me plains à côté de ces deux jeunes fringants !




Jérémie et Gabriel traversent le Canada à vélo. Ils sont partis de Montréal, chacun de leur côté. Jérémie est un montréalais, Gabriel vient de Barcelone. Ils se sont rencontrés en Ontario,  ils voyagent ensemble depuis. 

Je trouvais mes conditions de voyage assez minimalistes, imaginez les leurs ! Ils ont aimé mon " set up "(l'aménagement de Dolorès), sachez que je n'avais aucun désir de changer pour le leur! Ils ne sont d'ailleurs pas les premiers à être séduits par cet aménagement. Je vous le rappelle, tout le crédit va à Serge Trotéchaud.

C'est à Brooks, en Alberta, que je les ai rencontrés. Jusqu'à maintenant, de bonnes côtes à monter en Ontario, oui, mais jamais aussi difficile qu'un combat contre le vent des plaines. Des vents qui ont parfois atteint les 75 km/h! Épuisant! Prochain defi: les montagnes de l'Alberta. Destination Vancouver! Quel courage !

Bravo les gars!

Au fait, de quoi je me plains ?



Geneviève, Geneviève et l'esprit de Mélanie

Le 8 juillet dernier, j'ai reçu deux messages, l'un de Geneviève, l'autre de Mélanie. Geneviève est éducatrice à la prématernelle et souhaite me rencontrer à ce titre pour parler de francophonie. Mélanie, elle, souhaite me parler de Zone Franco d'Airdrie, un organisme dont elle est la fondatrice. Airdrie, c'est une ville située à environ 30 km au nord de Calgary. La ville est en constante expansion. Pour vous donner une idée, au recensensement de 2011, 42,844 personnes y habitaient, en 2016 la population se chiffrait à 62,082. Énorme augmentation. En 2016, le français était la langue officielle de 1,195 personnes. On dit d'Airdrie qu'elle est la ville la plus haute en altitude au Canada (on ne considère pas les villages ici).

Je signale ma présence dans la région au moyen de Facebook, et Geneviève, fidèle, me signifie qu'elle est toujours prête à me rencontrer. Mélanie, elle, est en vacances au Saguenay. Dommage ! Parait-il qu'elle est très inspirante cette Mélanie ! Discussion avec Geneviève et, pour faire une histoire courte, je découvre qu'elle est en mesure de faire appel à une autre personne qui contribue à Zone franco et qui pourra m'en parler. Cette personne se nomme ...Geneviève ! C'est la tréorière de l'organisme depuis peu légalement constitué (mais fondé depuis 2015).

Geneviève (devinez laquelle) propose que nous nous rencontions au Fitzsimmons brewing devant une bière. Comment pouvais-je refuser? On se rencontre, on se raconte, aucun risque pour moi que je n'utilise le mauvais prénom... Et l'esprit de Mélanie plane au-dessus de nous. Les Geneviève ne manquent pas de lui accorder toute leur reconnaissance pour le rôle qu'elle joue dans Zone Franco d'Airdrie.
Geneviève, enseignante à  la prématernelle et Geneviève, enseignante et trésorière de Zone franco

Jusqu'à maintenant, je n'ai rencontré que des organisations qui étaient bien implantés et qui roulaient leur bosse depuis plusieurs années. Me voilà aujourd'hui devant une organisation naissante. Difficile de recruter des membres et de les mobiliser? La réponse est simple: oui. Les pionniers et les pionières doivent s'armer de patience. La patience est la mère de toutes les vertus, nous disent les sages (et des tortues aussi, parait-il!). Courage ! J'ai rencontré plusieurs organisations qui ont passé par cette étape au cours de mon périple. Moi, je vous admire!

Qu'en est-il de la francophonie? Qu'en est-il de l'attachement à la langue française? Difficile admet Geneviève...et aussi Geneviève. Une ville neuve, une population ayant peu de racines francophones, ce sont là des obstacles majeurs. Encore une fois, l'école se retrouve à elle seule avec la prise en charge de l'acquisition de la langue française. Mission quasi-impossible. Vous connaissez la maxime ça prend un village pour élever un enfant » ? Ça prend aussi un village pour lui apprendre une langue parlée par une minorité. Mais vous, Mélanie, Geneviève, Geneviève et les autres qui travaillent à cette cause, comme tous ceux et toutes celles qui agissent à titre d'enseignant ou d'éducateur, c'est souvent à votre inssu que vous changez les choses. Vous croyez que vos paroles sont ignorées ? Ne vous en faites pas ! Les jeunes ont cette capacité de capter le meilleur de vous-mêmes. Tout se passe « en-deça ».  Et en français !

J'ai passé un très beau moment avec vous deux. Merci!

https://zonefrancoairdrie.weebly.com/



vendredi 2 août 2019

Pieds nus dans l'autre

Vous saviez, n'est-ce pas, que Félix Leclerc et moi avions plusieurs choses en commun? 

Premièrement: nous sommes nés dans la même ville.
Deuxièmement: « Pieds nus dans l'aube » a été le premier roman qu'il a écrit, et moi, le premier roman que j'ai lu...
Troisièmenent: euh....je pense que c'est tout...

Aujourd'hui, pour finir ma tournée en Colomie-Britanique, je m'inspire justement de Félix en publiant « Pieds nus dans l'autre ». « L'autre » est tiré de la devise du Canada « D'un océan à l'autre ». Je rêvais de tremper mes pieds bariolés dans « l'autre » (chacun ses rêves, ne jugez pas !), alors voilà, c'est fait!


Mais tout n'est pas rose, même lorsqu'on réalise un rêve ! Ici, en Colombie-Britanique, les gens affirment que « l'autre », c'est l'océan Atlantique! Ah ! me suis-je dis, je n'avais pas pensé à ça ... Vous voyez comment ça se passe: chacun construit son point de vue sur la base de son vécu, de son histoire personnelle... Mais je me suis rapidement ressaisis et j'ai crié haut et fort: wo ! gens du Pacifique, j'ai le sens de l'histoire de ce pays de mon bord. Répétez après moi: le Canada, d'est en ouest ! Et puis, il y a la course du soleil qui est de mon bord aussi!

Trève de plaisanteries, gens du Pacifique, vous avez un magnifique coin de pays. C'est beau, beau, beau ici. J'y reviendrai, et j'espère que cette fois-là ce sera en amoureux, si ce n'est que pour le plaisir de partager mes trop-pleins d'émotions devant la beauté de vos paysages.









Une belle histoire

À Kamloops, j'ai rencontré Mélina qui est responsable des communications à l'Association francophone de l'endroit. Les locaux de l'Association étant occupés par les jeunes qui fréquentent les camps d'été, Mélina m'a proposé de la rencontrer au Red Beard café. Nous avons évidemment parlé de l'Association pour laquelle elle travaille et de la francophonie à Kamloops, mais pour écrire ce billet j'ai volontairement retenu un aspect plus personnel de notre conversation (avec sa permission).

Je suis toujours touché par les personnes pour qui il est viscéral de parler en français. C'est le cas de Mélina. Depuis le début de mon périple, Mélina est la deuxième personne (l'autre étant Réal, dont je vous ai déjà parlé) qui me décrit ce besoin profond de s'exprimer en français alors que son environnement favorise davantage l'usage de l'anglais.

Mélina a étudié en français durant son parcours scolaire préuniversitaire, elle étudie maintenant en anglais au niveau universitaire. Elle est parfaitement bilingue. Lorsqu'elle s'est présenté à l'AFK, c'était pour emprunter un livre en français. Elle est devenue membre de l'Association, puis très rapidement elle en est devenue une employée. Et maintenant elle se sent comblée.

Ce qui me fascine dans l'histoire de Mélina, c'est que cet amour viscéral de sa langue maternelle semble associé à un vécu émotionnel intense sur le plan familial, comme c'était aussi le cas pour Réal.

Mélina et moi au Red Beard café

Les parents de Mélina sont arrivés en Colombie-Britannique à l'âge de 19 ans. Venus du Lac St-Jean, au Québec, ils ont finalement tranformé leur séjour en une vie de Franco-Colombien. Pour la mère de Mélina, il était essentiel de faire du français la seule langue officielle de la maison. Les amies de Mélina, pour la plupart bilingues, devaient obligatoirement parler en français lorsqu'ils entraient chez les Potvin.

Mélina vivait le retour occsionnel dans la famille élargie, au Lac St-Jean, comme un moment d'insouciance heureuse, tel que les enfants les désirent au plus profond de leur être. La famille se réunissait autour des exilés, le bonheur signalait sa présence à chaque instant. Et c'était en même temps l'occasion d'un bain dans la langue française. Rien pour en faire une théorie, mais l'histoire de Mélina et celle de Réal se ressemblent beaucoup. On dirait que l'attachement viscéral à leur langue s'est tissé à travers l'établissement de liens significatifs et porteurs de bien-être.

J'aime entendre que l'on peut tenir son âme en éveil juste par amour de sa langue. Il suffit alors de faire vibrer ses cordes vocales pour recevoir sa dose de bonheur...

Réflexion comme ça: peut-être qu'il était plus facile d'avoir un rapport « sentimental » à sa langue à l'époque où les gens vivaient de manière moins isolée, moins désincarnée...

Merci pour ce beau témoignage Mélina.



jeudi 1 août 2019

Être de son temps

Jolie ville Kelowna !

J'arrive toujours trop tôt ! J'ai un rendez-vous au Centre culturel francophone d 'Okanagan à 10 h 30. M'y voilà 45 minutes en avance! En plein centre-ville, il y a ce parc qui longe le lac Okanagan. Tiens, une petite marche!




L'heure approche, je me dirige vers le Centre culturel. Le Centre se loge dans ce qui fut une église. On y entre et c'est paisible. Nicole est là, tout près, c'est avec elle que j'ai rendez-vous. Elle m'invite à m'assoir et m'offre un café. Un expresso, un vrai de vrai, à la française ou à l'italienne, comme vous voulez! Hummm!



Mathilde se pointe. Mathilde travaille aux communications et à l'organisation des évènements. Elle se joint à nous.

Nicole est celle qui porte l'histoire de l'organisme. Elle est en mesure de témoigner de l'évolution de la francophonie à Kelowna puisqu'elle est au coeur de l'action depuis 1986. Ce qui a changé, en fait, c'est la perception qu'ont les anglophones de la minorité francophone. De peu connue et peu reconnue qu'elle était, la minorité francophone est en train de devenir une communauté qui suscite de l'intérêt et à laquelle la commuanuté anglophone accorde de plus en plus de valeur. Ce changement ne s'est pas fait tout seul. Il n'y a aucun doute que le tavail du Centre culturel y est pour quelque chose. Quand on croit à notre propre valeur et qu'on agit avec confiance, on offre aux autres l'occasion de développer une perception positive de nous. Telle est la philosophie qui se dégage des propos de Nicole et de Mathilde. Toutes leurs actions sont imprégnées de cette philosophie. Elles forment un beau duo ces deux-là !

Oups! Voilà une jeune femme qui entre dans le local avec sa bicyclette et... son petit chien. Elle, c'est Claudie, la directrice du Centre. Pitou, tout enjoué, s'appelle Wendy. Disons que c'est la mascotte...

Claudie, Nicole, Mathilde et Wendy qui se fond presque au chandail de Mathilde

Claudie se joint à la conversation et continue dans le même sens. Elle insiste notamment sur l'importance d'être contemporain! Qu'est-ce à dire? On a peut-être trop souvent tendance à associer la francophonie uniquement à la tradition: festival du bois, de l'érable, de la musique traditionnelle, etc. Bien que le Centre reconnait l'importance de respecter la tradition (il a aussi son festival de l'érable), il souhaite également se démarquer en montrant que la francophonie peut être associée à quelque chose de plus contemporain. En fait, si je traduis bien l'idée qui se dégage de notre conversation, je dirais ceci: si nous ne voulons pas que notre langue et notre culture soit relayées au rang de « choses du passé », un peu folklorique, cessons nous-mêmes de leur donner ce statut. Voilà pourquoi le Centre déploie beaucoup d'énergie pour organiser l'évènement culturel La Nuit Blanche, cette fête nocturne d'arts multidiciplinaires, qui est née à Paris, et dont on ne manque pas de souligner le caractère francophone. Cette fête contribue à faire la promotion de la francophonie auprès d'un très large public.

Claudie revient souvent sur cette idée : il faut éviter le repli sur soi, il faut plutôt infilter, influencer, faire aimer notre culture et, surtout, être actuel. Et tout indique que cette approche donne des résultats positifs puisqu'on observe depuis quelques temps une importante diminution de la stigmatisation de la communauté francophone.

Oh ! j'ai entendu bien d'autres choses intéressantes au Centre culturel francophones de Kelowna. Vous ne savez peut-être pas mais... je me garde des secrets pour la fin!

Kelowna, le dynamisme ne vous manque pas !

Merci de m'avoir si bien reçu.











Victoria, la capitale

J'entre dans la ville, GPS orienté vers la Société francophone de Victoria. Lui et moi travaillons en étroite collaboration. Rue trouvée, stationnement disponible, parcomètre identifié, tout va bien... Je glisse ma main dans mon sac pour trouver la monnaie nécessaire et, au même moment, j'entends: « bonjour Guy » ! Eh bien oui, je ne rêve pas,Valérie est là pour m'accueillir ! Non mais, pensez-y! Elle est venue à ma rencontre. Quel accueil!

Nous montons dans les locaux de la Société Francophone situés au deuxème étage d'un édifice. Michel est assis au bureau de l'accueil, il occupe cette fonction à titre de bénévole. Pauline, la directrice, est occupée pour le moment, elle se joindra à nous plus tard. Myriam est aussi présente. Myriam est une jeune employée temporaire qui assiste Valérie dans son rôle de coordonnatrice aux communications et aux activités culturelles. Elle est issue d'un milieu anglophone, ses parents ne parlent pas français. Elle a acquis son français grâce à programme scolaire d'immersion française. Quelques jours avant ma visite, j'ai eu l'occasion de discuter avec elle au téléphone. Très bel accueil, très bon français ! Son emploi à la Société lui permettra de poursuive son immersion.

Autour d'une table, Valérie, Myriam et moi commençons la discussion. D'abord mes questions d'usage: portrait de la francophonie à Victoria et dans ses environs, connaissance de l'organisme et de ses services, défis à relever. Et toi Valérie, qu'est-ce qui t'amène à Victoria? Différence d'accent...j'ai deviné qu'elle vient d'outre-mer. Elle me raconte brièvement son histoire (Valérie est d'origine belge) et me dit ceci: « comme vous dites au Québec, je suis tombée en amour avec Victoria ». Eh bien voilà ce que ça fait quand on tombe en amour: elle y est maintenant depuis 10 ans!

À mes côtés: Valérie, Pauline et Myriam.
Vous devinez que c'est Michel qui joue le rôle du photographe.
Pauline se joint à nous. Elle a du bagage, Pauline! Ça fait plus de 25 ans qu'elle oeuvre dans le domaine et ça parait. Elle me rappelle que Victoria a été largement occupée par des francophones, que le français et le chinook (langue parlée faite d'un mélange de langues autochtones, de français et d'anglais) ont été les langues dominantes jusqu'en 1859. La rue vers l'or, dans le canyon du Fraser et du Cariboo, a provoqué l'arrivée massive d'anglophones dans la région et c'est à ce moment que tout a basculé. L'anglais a pris le dessus.

Mais Pauline ne s'arrête pas là! Elle me fournit d'autres informations intéressantes. Vous savez que le maintien de la francophonie tient en grande partie à la possibilité de recevoir une éducation en français. Mais qu'advient-il du jeune et de son français après ses douze années d'études?

  • 33 % des jeunes qui fréquentent une école française conserveront un niveau de français jugé fonctionnel si leurs deux parents sont francophones;
  • 19% seulement le conserveront si un seul des parents est francophone (couples exogames);
  • mais il se trouve que chez les francophones en situation de minorité, 95% des couples sont exogames.
Facile de tirer une conclusion...

Pour expliquer les dangers réels qui menacent la langue française, Pauline fait référence à Rodrigue Landry, chercheur à l''Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (liens plus bas) et au concept de « masse socialisante ».  La « masse socialisante », c'est cette force qui nous avalent malgré nous. La majorité finit inévitablement par « créer le réel », un réel auquel la minorité devra inévitablement s'adapter.

Mais Pauline ne perd pas espoir. Elle est consciente de la portée et des limites des actions que peuvent poser les associations comme celle qu'elle dirige. Elle reconnait l'importance d'agir aussi sur le plan politique et sur le plan juridique, comme c'est justement le cas en Colombie-Britanique où, pour la première fois au Canada, la Cour suprême entendra une cause sur le droit à l'éducation en français (lien plus bas). Un jugement favorable aux plaigants pourrait changer potitivement le visage de la francophonie. Agir sur tous les plans (politique, juridique, social, culturel. etc.) et pas seulement pour dans le domaine de l'éducation. Agir aussi pour obtenir des services en français, agir pour un droit égal de vivre dans sa langue. Le français est une langue officielle, le français n'est pas « une deuxième langue officielle ».

Combien je suis reparti nourri de cette rencontre? Ça ne se compte pas! Je suis allé digérer le tout devant le parlement et sur la promenade du port...

Merci belle équipe de la SFV


http://continent.uottawa.ca/fr/equipe/collaborateurs/rodrigue-landry/

https://www.icrml.ca/fr/

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1163738/cour-supreme-education-francophonie-colombie-britannique-proces
Il y a de la vie aujourd'hui devant le British Colombia Parliament Buildings



mercredi 31 juillet 2019

Les francophones de Nanaimo

J'entends déjà quelques-uns de mes amis dire que je me suis venu ici, à Nanaimo, pour y déguster les fameuses barres Nanaimo et profiter de la jouissance qu'elles pouvaient offrir à mes papilles ! Oui, oui, ces fameuses barres sont bel et bien nées ici, mais non, non, je ny suis pas venu pour elles. J'y suis venu pour rencontrer Catherine à l'Association des francophones de Nanaimo. Sachant que je venais visiter son centre, Catherine a demandé à quelques personnes de son conseil d'administration d'être présentes à la rencontre, question de multiplier les interractions et d'enrichir la conversation. Julie, Lucille et Réjeanne se sont donc jointes à elle. Je peux vous dire que l'idée était bonne: j'ai effectivement eu avec ces quatres femmes des discussions fort intéressantes, malgré la brièveté de notre rencontre.

Julie, Catherine, Lucille et Réjeanne
Quelque 3000 francophones et 17,000 francophiles résident à Nanaimo et dans ses environs. Je suis toujours étonné de constater que des nombres aussi importants de francophones et de francophiles dans une région ne se traduisent pas par une visibilité (je devrais plutôt dire: par une audibilité) plus grande dans la rue, les commerces, etc. J'ai exprimé cet étonnement et, avec Catherine et son groupe, j'ai fait un pas de plus dans ma compréhension de ce phénomène. En fait, les francophones appartiennent à cette catégorie qu'on appelle « les minorités invisibles ». Ils ne sont pas identifiables par des signes visibles tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas prononcé un mot. Pas identifiables par la majorité anglophone et non plus par le groupe auquel ils appartiennent. « Il suffit d'être deux et de se parler tout naturellement en français, me dit Julie, et vous verrez autour des francophones ou des francophiles agréablement surpris et heureux d'échanger avec vous dans votre langue ». Il faut donc oser parler en français en public, il faut résister à l'envie de se fondre à la masse. Vous vous souvenez des propos de Réal, de Terrace Bay (article du  26 juin 2019): « en situation de minorité, parler en français relève d'une décision ». Les propos de Julie vont essentiellement dans le même sens. J'aime entendre ça ! Il ne faut jamais négliger cet aspect: l'affirmation est une condition nécessaire à la survie de notre langue.

Nous avons aussi abordé la question de l'insécurité linguistique, ce phénomène dont je vous ai déjà parlée dans des articles précédents. En tant que Franco-Colombienne d'origine, Catherine est bien placée pour en parler. Difficile de sentir qu'il y a des accents plus acceptables que d'autres ! Difficile d'arriver au Québec avec le désir et la fièreté de parler en français et de se faire offir par son interlocuteur une conversation... en anglais !  On détecte chez moi un accent différent et voilà qu'on m'incite à parler une autre langue! L'art de « se tirer dans le pied  » en tant que francophone, n'est-ce pas?

À ce sujet d'ailleurs, je vous propose deux courts articles de Maria Candea, professeure de lingusitique à l'univervité Sorbonne Nouvelle (tirés de la revue L'actualité). L'un porte sur l'insécurité linguitique en tant que telle et l'autre porte sur la langue française elle-même, son refus de changer et les risques qu'elle court de se discréditer et de perdre du terrain. Ces articles appuient les propos de Catherine et ceux de plusieurs francophones en situation de minorité. Comme par hasard, je les ai reçus (merci Lucette!) au sortir de ma rencontre avec l'AFN.

https://lactualite.com/culture/tous-les-francais-sont-ils-egaux/

https://lactualite.com/culture/jugeons-lorthographe/?fbclid=IwAR1OUll4Ym0w4mSFdYLpxaYVd5YGDo9ex6nzAeOWaweHv9vK9SlzZfnYVXQ

Il y a de l'espoir tout de même. On note une augmentation constante du nombre d'anglophones qui s'intéressent à la francophonie et qui envoient leurs enfants à l'école français ou dans les programmes d'immersion française. Et chez ces parents, on remarque une tendance: leur motivation pour le faire  change peu à peu. Il accordent toujours une importance à l'apprentissage du français pour des aspects utilitaires (opportunités d'emploi, par exemple), mais de plus en plus de parents s'y intéressent pour la culture associée à la fancophonie. D'ailleurs, ces parents ne comptent plus seulement sur l'école pour offrir cette culture à leurs enfants, ils s'y intègrent eux-mêmes en suivant des cours de français, un service justement offert par l'AFN.

Merci pour votre accueil et vos réflexions équipe de Nanaimo !