J'entends déjà quelques-uns de mes amis dire que je me suis venu ici, à Nanaimo, pour y déguster les fameuses barres Nanaimo et profiter de la jouissance qu'elles pouvaient offrir à mes papilles ! Oui, oui, ces fameuses barres sont bel et bien nées ici, mais non, non, je ny suis pas venu pour elles. J'y suis venu pour rencontrer Catherine à l'Association des francophones de Nanaimo. Sachant que je venais visiter son centre, Catherine a demandé à quelques personnes de son conseil d'administration d'être présentes à la rencontre, question de multiplier les interractions et d'enrichir la conversation. Julie, Lucille et Réjeanne se sont donc jointes à elle. Je peux vous dire que l'idée était bonne: j'ai effectivement eu avec ces quatres femmes des discussions fort intéressantes, malgré la brièveté de notre rencontre.
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Julie, Catherine, Lucille et Réjeanne |
Quelque 3000 francophones et 17,000 francophiles résident à Nanaimo et dans ses environs. Je suis toujours étonné de constater que des nombres aussi importants de francophones et de francophiles dans une région ne se traduisent pas par une visibilité (je devrais plutôt dire: par une audibilité) plus grande dans la rue, les commerces, etc. J'ai exprimé cet étonnement et, avec Catherine et son groupe, j'ai fait un pas de plus dans ma compréhension de ce phénomène. En fait, les francophones appartiennent à cette catégorie qu'on appelle « les minorités invisibles ». Ils ne sont pas identifiables par des signes visibles tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas prononcé un mot. Pas identifiables par la majorité anglophone et non plus par le groupe auquel ils appartiennent. « Il suffit d'être deux et de se parler tout naturellement en français, me dit Julie, et vous verrez autour des francophones ou des francophiles agréablement surpris et heureux d'échanger avec vous dans votre langue ». Il faut donc oser parler en français en public, il faut résister à l'envie de se fondre à la masse. Vous vous souvenez des propos de Réal, de Terrace Bay (article du 26 juin 2019): « en situation de minorité, parler en français relève d'une décision ». Les propos de Julie vont essentiellement dans le même sens. J'aime entendre ça ! Il ne faut jamais négliger cet aspect: l'affirmation est une condition nécessaire à la survie de notre langue.
Nous avons aussi abordé la question de l'insécurité linguistique, ce phénomène dont je vous ai déjà parlée dans des articles précédents. En tant que Franco-Colombienne d'origine, Catherine est bien placée pour en parler. Difficile de sentir qu'il y a des accents plus acceptables que d'autres ! Difficile d'arriver au Québec avec le désir et la fièreté de parler en français et de se faire offir par son interlocuteur une conversation... en anglais ! On détecte chez moi un accent différent et voilà qu'on m'incite à parler une autre langue! L'art de « se tirer dans le pied » en tant que francophone, n'est-ce pas?
À ce sujet d'ailleurs, je vous propose deux courts articles de Maria Candea, professeure de lingusitique à l'univervité Sorbonne Nouvelle (tirés de la revue L'actualité). L'un porte sur l'insécurité linguitique en tant que telle et l'autre porte sur la langue française elle-même, son refus de changer et les risques qu'elle court de se discréditer et de perdre du terrain. Ces articles appuient les propos de Catherine et ceux de plusieurs francophones en situation de minorité. Comme par hasard, je les ai reçus (merci Lucette!) au sortir de ma rencontre avec l'AFN.
https://lactualite.com/culture/tous-les-francais-sont-ils-egaux/
https://lactualite.com/culture/jugeons-lorthographe/?fbclid=IwAR1OUll4Ym0w4mSFdYLpxaYVd5YGDo9ex6nzAeOWaweHv9vK9SlzZfnYVXQ
Il y a de l'espoir tout de même. On note une augmentation constante du nombre d'anglophones qui s'intéressent à la francophonie et qui envoient leurs enfants à l'école français ou dans les programmes d'immersion française. Et chez ces parents, on remarque une tendance: leur motivation pour le faire change peu à peu. Il accordent toujours une importance à l'apprentissage du français pour des aspects utilitaires (opportunités d'emploi, par exemple), mais de plus en plus de parents s'y intéressent pour la culture associée à la fancophonie. D'ailleurs, ces parents ne comptent plus seulement sur l'école pour offrir cette culture à leurs enfants, ils s'y intègrent eux-mêmes en suivant des cours de français, un service justement offert par l'AFN.
Merci pour votre accueil et vos réflexions équipe de Nanaimo !
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