mercredi 10 juillet 2019

Zoé et Shawn: le doigt sur le bobo

Vous avez lu l'article précédent? Vous me suivez? Très bien!

Je suis toujours au festival fransaskois et je discute avec Éric Lefol, le directeur de la Fédération des francophones de Saskatoon (dont je vous reparlerai plus tard). Devinez qui me l'a présenté? Eh oui, c'est Denis Desgagné! Je vous l'ai dit plus tôt, ce sympathique Denis connaît beaucoup de monde ici. 

Éric me demande si j'ai parlé à des plus jeunes depuis mon arrivée. Non, lui dis-je, seulement à des gens d'expérience (oui, oui, c'est un euphémisme!). « Tu vois ces deux jeunes là-bas qui parlent ensemble, tu devrais aller leur parler » me dit-il.

Je me dirige vers eux et je les aborde malgré qu'ils discutent déjà avec deux autres jeunes de leur âge. Je leur explique  ce pourquoi je les aborde et je leur demande leur point de vue sur la francophonie canadienne hors-Québec. Ouf! de s'exclamer les deux jeunes qui les accompagnaient, « ça va être long » ! et ils quittent immédiatement les lieux. Visiblement, ils ne souhaitent pas en enendre parler...une autre fois. Oui, une autre fois, parce que Zoé et Shawn ont ce sujet proche du coeur et proche des lèvres.

Zoé est une artiste multidisciplinaire, Shawn, un auteur-compositeur-interprète. Jusqu'à maintenant, j'ai rencontré surtout des battants, des combattants, des persévérants. Travailler 7 ou 8 ans ou, dans certains cas 10 ou 15 ans, pour obtenir une école de langue française, ce n'est pas rare. Passer par la diplomatie, par le politique, par le droit, par le soulèvement, bref, par tous les moyens pour se faire entendre, pour faire valoir un droit, ce n'est pas rare non plus. Des combats pour l'éducation, parce que c'est la base, il y en a eu. Mais il y en a eu aussi pour des services de santé et pour des services tout court... Se battre, c'est devenu un mode de vie pour les francophones, de génération en génération. C'est ce que j'entends depuis le début de mon voyage.

Et moi, qu'est-ce que je salue dans ce blogue, depuis le début de mon voyage? La perséverance justement. L'engagement, le courage et toutes ces qualités qui font que nous survivons en tant que francophone.

Zoé et Shawn

Revenons à Zoé et Shawn. une chose est claire: ils ne sont pas moins « battants » que leurs ancêtres. Ils le font à leur manière. Solidarité en moins (ils me le confirment : peu de jeunes partagent leurs préoccupations. D'ailleurs, le départ immédiat des deux autres jeunes en témoigne). D'où le sentiment qu'ils ont parfois de porter à eux seuls le sort de la culture fransaskoise.  Nous discutons et je constate rapidement que nos échanges m'amèneront ailleurs. Ailleurs, disons, une couche en dessous, vers une émotion plus profonde. Je les écoute, j'entends leur colère. Leur tristesse aussi. OK, je vois où ils m'amènent: on se bat, on gagne des batailles, on est fiers de nous, mais n'est-ce pas parce qu'on nie notre existence que l'on doit se battre? Oh! Nos mots ne voyagent plus d'un cerveau à l'autre, ils glissent sur nos épidermes... Sous l'armure du battant, il y a la blessure. Sans la nommer explicitement, eux, ils me la révèlent. Vous, si on nie votre existence, que ressentirez-vous?

Et le Québec, qu'attendez-vous de lui? Le Québec, Zoé et Shawn l'aimeraient plus solidaire. Comment? « À tout le moins ne pas utiliser notorité et vaste tribune pour nier notre existence » me dit Zoé. « Quand la négation de notre existence est proclamée par un autre francophone, ça fait encore plus mal...» Je crois savoir qui est la personne visée...

J'avoue, je suis reparti un peu boulversé. Mais, pour reprendre un mot d'enfant d'Anne-Marie, ma conjointe maintenant décédée, pour rêver mieux, il faut parfois « allumer la lumière noire » ...

Merci Zoé et Shawn !












2 commentaires:

  1. Eh bien moi aussi je ressentirais de la tristesse et de la colère. Ce qu'ils vivent c'est comme une forme de rejet et c'est terrible! On a tendance, nous les Québécois à penser que le reste du Canada est totalement anglophone et qu'on doit faire nos choses entre nous, mais il serait souhaitable pour tous les francophones du Canada d'être solidaires. Nous sommes pas si nombreux finalement!

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  2. Merci Diane pour ce commentaire. Les francophones d'ici comparent souvent ce que font les Québecois envers eux à ce que faisaient les Français autrefois (et parfois encore) envers nous, les Québécois. Beaucoup de railleries à propos de leur accent, notamment. Plusieurs m'ont dit qu'ils viennent au Québec avec le désir de parler en français et, dès que les Québécois entendent leur accent différent du nôtre, ils se mettent à leur parler en anglais! D'où l'insécurité linguistique dont je parlais dans un article précédent. On a peut-être un petit bout à faire pour mieux comprendre leur réalité...

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