mercredi 26 juin 2019

Réal ou l'amour de la langue française


Lorsque j’ai annoncé mon projet « Rouler franco » sur les réseaux sociaux, plusieurs semaines avant mon départ, l’un des premiers à communiquer avec moi pour m’inviter à prendre un café a été Réal Deschatelets. Réal habite à Terrace Bay, un petit village situé sur la longue route entre Sudbury et Thunder Bay. J’étais curieux de savoir pourquoi il s’était senti interpellé par mon projet, pourquoi il souhaitait me rencontrer. Je lui ai donc posé la question et sa réponse, d’une simplicité déconcertante, est sans doute la réponse la plus porteuse d’espoir que j’ai entendue. En toute candeur il m’a dit ceci: « c’est pour parler en français ». Oui, ce gars-là aime le français, il y est attaché ! Sa langue lui rappelle sa tendre enfance. Il l'associe à de bons moments vécus avec sa famille, à des moments de fêtes et de plaisir. Il lui attribue une douceur. Ce doit être de là que vient l'expression « langue maternelle » !

La réponse de Réal pose une question essentielle: peut-on sauver une langue si on n’y est pas attaché ? Y être attaché suffisamment pour avoir le désir de la parler, l’aimer suffisamment pour la parler avec fierté.

Réal a appris le français à l’école élémentaire (primaire au Québec) mais, comme bien des jeunes dans son village, il a étudié à l’école anglophone au secondaire. Pourquoi? Rien de plus simple: il n’y a pas d’école secondaire francophone à Terrace Bay. Et c’est ainsi dans la plupart des villages de cette grande région du Nord-Ouest. L’école secondaire francophone se trouve à Marathon, qui compte une population plus importante en nombre, ce qui oblige les jeunes des plus petits villages à se déplacer s'ils veulent faire leur secondaire en français. Une heure et souvent plus pour se rendre à l’école…les parents comme les jeunes préfèrent y renoncer. 

« Après l’élémentaire, me dit-il, si tu veux parler français, c’est une décision ». Voilà une autre petite phrase criante de vérité ! De fait, rien ne favorise l’apprentissage du français en dehors de l’école puisque la vie dans tous ses aspects se passe en anglais, me confirme-t-il. L’apprentissage de l’anglais s’impose « par osmose » pour ainsi dire. Dès lors, comment conserver ses acquis en français sans une ferme décision de continuer à le parler. Les obstacles à surmonter sont nombreux, il faut être convaincu...

« Bien entendu, souligne Réal, il faut d'abord pouvoir offrir à nos enfants une éducation en français »  Il estime qu'il est nécessaire de revendiquer des écoles françaises même lorsque les francophones sont peu nombreux dans un village. L'école élémentaire de son village a d'ailleurs été durement gagnée par « le Club » (qui joue le rôle d’une association de francophones) envers lequel il se montre très reconnaissant. Conséquent avec son propos, Réal a décidé de s’impliquer dans la vie scolaire de sa région: il est devenu conseiller scolaire au Conseil scolaire du district catholique Aurores boréal. C’est aussi pour lui une occasion de parler en français.
Réal devant Dolorès
 (Dolorès , c'est le nom de ma minifourgonnette - voyez l'onglet « Bienvenue à bord » de ce blogue)

Ma rencontre avec Réal a été brève, trop brève. J’ai eu le plaisir de rencontrer un homme qui, sans fla-fla, rappelle l’essentiel : en situation de minorité, alors que l’anglais nous pénètre par les pores de la peau, le français vivra si nous l’aimons assez pour le faire vivre. Il a besoin de nous !

Merci Réal, t'es un chic type!

Guy

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